Comment atteindre l’excellence
C’est à cette question que tente de répondre dans son dernier livre* Robert Greene, auteur américain du best-seller Power, les 48 lois du pouvoir.
Aujourd’hui, vouloir atteindre l’excellence n’est souvent pas perçu comme une ambition légitime notamment car on y associe, à tort, la valeur argent.
« Dans notre culture, on tend à confondre la pensée et la puissance intellectuelle avec le succès et la réussite matérielle », écrit Robert Greene.
Alors que le monde est en pleine mutation et que certains changements, comme les évolutions climatiques, nous dépassent.
Nous avons tendance à envisager le pouvoir comme la propriété des élites politiques. Mais aussi financières de nos pays. Et en leur conférant cette toute-puissance. Nous nous replions dans une forme de passivité : « qui ne risque rien n’a rien, mais ne risque pas d’échouer. », résume l’auteur. Face à notre sentiment d’impuissance, nous préférons nous réfugier derrière l’idée que l’individu ne pèse plus dans ce monde. Que le génie est réservé à quelques privilégiés dotés dès la naissance d’un cerveau plus performant que celui des autres.
C’est contre tous ces préjugés que Robert Greene est parti en guerre, retraçant dans son livre les parcours des plus illustres artistes, businessmen ou scientifiques de ces derniers siècles.
Pour l’auteur américain, il est grand temps de dire adieu à l’idée romantique. Celle que nous avons du génie et de réhabiliter la valeur travail. Aujourd’hui, « toute notion de discipline ou d’effort apparaît comme ringarde et assommante. Ce qui compte, c’est l’inspiration derrière l’oeuvre d’art. Au diable la maîtrise technique et l’apprentissage du métier. », déplore Robert Greene. Avec l’avènement du tout technologie, nous avons le sentiment d’avoir toutes les connaissances à portée de clic et « cela nous donne l’impression que la vie doit être pareille », analyse-t-il. Non, le chemin vers la maîtrise n’est pas facile, mais il n’en demeure pas moins accessible à tous.
Pour lui, nous avons tous les ressources dans notre cerveau façonné par des siècles d’évolution.
Il a la même taille depuis 150 000 ans. Et l’on sait que cette dernière évolue peu d’un individu à l’autre. Robert Greene s’appuie par exemple sur le parcours de Charles Darwin. A la naissance, ce dernier n’était pas doté d’un QI exceptionnel. Et était un étudiant plutôt médiocre. Mais c’est à force de travail et en portant son attention sur un sujet donné qu’il est parvenu à révolutionner la biologie.
Trouver sa vocation et suivre son destin ?
Passionné par la collection de spécimens biologiques. Darwin a entrepris un long voyage à travers le monde pour aider un professeur en ramassant des spécimens à renvoyer en Angleterre. En rentrant chez lui, il a consacré sa vie entière à élaborer sa propre théorie de l’évolution. C’est sa passion qui lui a permis de parvenir à l’excellence et de travailler de façon acharnée pendant des années. « Derrière toute rock star, il y a des heures de travail », insiste Robert Greene. Aimer son métier est donc essentiel. C’est pourquoi l’auteur martèle l’importance de trouver sa vocation. Cela est d’autant plus important que sur un marché du travail très compétitif. On peut être remplacé du jour au lendemain et l’on peut difficilement exceller dans un domaine qui ne nous passionne pas.
Pour Robert Greene, il est important que nous apprenions à diriger nos vies.
Selon lui, nos inclinations se manifestent dès l’enfance. « Avant d’être socialisé, on est plus ou moins attiré par les sons, le monde visuel… c’est pré-verbal », nous explique-t-il. Mais avec l’âge, « notre tête finit par être remplie de la voix des autres et on n’entend plus la nôtre », regrette l’auteur. On écoute nos parents, nos professeurs et on perd notre spontanéité d’enfant. En somme, Robert Greene croit au destin.
« On ne peut pas atteindre l’excellence si on n’a pas le goût d’apprendre »
Il peut arriver cependant que l’on découvre sa vocation sur le tard, il ne faut alors pas hésiter à rectifier son parcours, insiste l’auteur. Même si la chose n’est pas toujours acceptée par la société. « En France, j’ai l’impression que l’on n’a pas le droit d’échouer ou d’essayer plusieurs choses. Mais si à l’âge de 23 ans on ne pense qu’à l’argent. À la bonne position dans l’entreprise, on ne développera pas cet amour de l’apprentissage. », soutient Robert Greene. Il donne l’exemple de Steve Jobs qui ne pensait pas à cet aspect matériel et investissait beaucoup dans sa passion. Même à l’apogée de sa gloire. Il continuait à vivre dans une maison qui n’avait rien de luxueux. Toujours obsédé par l’idée de dessiner l’ordinateur parfait. Pour Robert Greene, il ne faut pas voir l’apprentissage comme quelque chose d’ennuyeux. Mais comme un long voyage qui ne s’arrête pas aux portes du monde professionnel.
Trouver le bon mentor
Durant cette longue période d’apprentissage, Robert Greene conseille de trouver un mentor. Tous les plus grands personnages de l’histoire ont eux aussi poussé un temps à l’ombre du maître. Pour lui, il est important de trouver quelqu’un qui a le « même esprit » que nous. Et se dire que dans 10 ans, nous aimerions lui ressembler. « Je compare ce mentor à un deuxième père ou une deuxième mère », explique Greene. Il insiste sur l’importance de choisir ce rôle-modèle tant pour son côté intellectuel qu’émotionnel. Bien entendu, il arrive un jour où il faut dépasser la simple imitation et trouver son propre chemin. On peut aimer son professeur sans être d’accord avec toutes ses pensées.
On a tendance à ne percevoir les maîtres que par le prisme de leur suprême intelligence cognitive.
Mais selon l’auteur, il ne faut pas mettre de côté l’intelligence émotionnelle et relationnelle. « On ne peut pas devenir un grand maître sans les autres », soutient-il. D’ailleurs, ces deux intelligences sont souvent celles qui font défaut aux enfants précoces mais qui peuvent être développées. Einstein par exemple pourrait avoir été diagnostiqué comme atteint du syndrome d’Asperger. Malgré tout, c’était quelqu’un perçu comme sympathique par les autres. De son côté, Léonard de Vinci possédait une très bonne intelligence relationnelle et était un très bon courtisan. Cette forme d’intelligence était d’autant plus nécessaire que les grands scientifiques et artistes ont souvent révolutionné leur champ et qu’il leur fallait faire accepter ces évolutions par leurs pairs de manière habile. Robert Greene cite l’exemple de Isaac Semmelweis, qui avait découvert bien des choses avant Pasteur, mais qui ne savait absolument pas communiquer et passait son temps à insulter les autres. L’histoire n’a pas retenu son nom.
L’intuition
Après des années d’apprentissage. Les grands maîtres sont ceux qui s’ouvrent sur le monde. Sur d’autres univers et sont capables de tisser des liens entre les connaissances. « Notre cerveau est construit pour faire des connexions. Notre intelligence dépend de notre manière de penser. Plus on ouvre notre esprit, plus on devient créatif. C’est ça le génie », explique Robert Greene. « La créativité, c’est comme un yoga de l’esprit. Il faut relâcher les muscles pour ouvrir les idées ». Les pensées viennent alors même lorsque nous dormons et l’on se retrouve absorbé par notre quête intellectuelle. C’est en quelque sorte ce que l’on peut appeler l’intuition. Steve Jobs en parlait régulièrement. Sa vision de l’avenir fut celle de l’iPod. Selon lui, nous finirions par ne plus avoir d’ordinateur mais un objet très petit, qui tiendrait dans une main. Une vision qui était le fruit d’années de pensées.