Au-delà de l’application de méthodologies agiles, c’est au niveau de la culture que se développe une agilité organisationnelle.
Dans un environnement de plus en plus changeant et incertain, le développement d’une organisation agile peut s’avérer être une stratégie gagnante. Mais cela ne s’improvise pas. Comment passer de l’intelligence individuelle à une organisation agile ?
Dans un environnement de plus en plus changeant et incertain, le développement d’une organisation agile peut s’avérer être une stratégie gagnante. Mais cela ne s’improvise pas.
Au-delà de l’application de méthodologies agiles maintenant de plus en plus connues et utilisées (méthodes SCRUM, XP…). C’est au niveau de la culture que les managers doivent agir pour développer une agilité organisationnelle. Ainsi, entre révolution culturelle et résistance au changement. Les challenges sont nombreux pour passer de l’intelligence individuelle à une organisation agile.
Intelligence individuelle
Dans une organisation où prime l’intelligence individuelle. La réussite d’un projet repose principalement sur la performance d’un individu – souvent le responsable de projet. Sur la bonne application des processus définis et appliqués à l’ensemble des projets. Généralement, les individus au sein de telles organisations considèrent que le respect des processus est plus important que la réussite intrinsèque des projets. Pourtant, la réussite d’un projet exige que certaines règles dictées par les processus soient transgressées.
Dans de tels cas, ce sont majoritairement les porteurs de projet qui se retrouvent exposés. Qui doivent gérer ces écarts. Il n’est pas rare que la performance individuelle soit évaluée en fonction de la conformité. Du respect des processus. Incitant les individus à « rester dans les clous ». Le corollaire d’une organisation ou prime l’intelligence individuelle est souvent un éparpillement des compétences et des bonnes pratiques. Chaque individu développant des outils et méthodologies de travail qui permettent de faire avancer les projets sans remettre en cause les processus établis.
Intelligence collective
Olivier Zara, dans son ouvrage « Le management de l’intelligence collective : vers une nouvelle gouvernance » (2008), décrit les mécanismes de l’intelligence collective comme ceux permettant d’obtenir d’un collectif une intelligence supérieure à la somme des intelligences des individus qui le composent. Pour favoriser l’émergence de l’intelligence collective au sein d’un groupe. Le principal challenge consiste à faire « basculer » la notion de responsabilité autrefois individuelle vers une responsabilité collective.
Se faisant, il est nécessaire de casser les silos et de constituer des équipes pluridisciplinaires disposant de toutes les ressources pour mener leurs projets à bien. Le changement dans l’approche est significatif. Car c’est maintenant toute l’équipe qui est attendue sur l’atteinte d’objectifs priorisés et non plus sur le respect des processus par les individus.
Dans le cadre de telles transitions, le rôle du manager est primordial. Ce dernier doit changer de posture et privilégier le « connect and collaborate » au traditionnel « command and control ». Au passage, il faut accepter que l’équipe puisse développer ses propres méthodologies et processus. Les bénéfices principaux d’une telle transformation se traduisent par une meilleure appréhension et gestion du risque et de l’incertitude liés à un projet…
Intelligence organisationnelle
Les mécanismes d’intelligence collective décrits précédemment émergent la plupart du temps au sein d’équipes de taille modeste (6 à 8 personnes) quand il n’est pas nécessaire de dédier une ressource à la coordination des activités et à la dissémination de la connaissance créée au sein de l’équipe. Dès lors se pose le problème de la mise à l’échelle de ces mécanismes dans des organisations plus vastes.
L’intelligence organisationnelle repose sur 4 piliers :
1) L’intelligence collective,
2) La gestion du savoir,
3) Des mécanismes d’amélioration continue,
4) Les technologies de l’information et de la communication.
Aucun ordre ne prévaut au développement de ces piliers, mais les buts recherchés restent intangibles : favoriser la communication entre les individus, permettre à toutes les équipes de capitaliser leur connaissance, et développer des mécanismes pour faire émerger et partager les bonnes pratiques.
Dans ces organisations intelligentes, les silos ont disparu au profit de communautés de pratiques qui contribuent aux échanges entre équipes et deviennent un liant du réseau établi entre ces dernières. Ici, la pyramide tend à s’estomper (au moins le temps du projet) et le focus est clairement positionné sur le soutien aux équipes opérationnelles pour leur permettre d’atteindre les objectifs.
Agilité organisationnelle
Une organisation agile se distingue d’une organisation intelligente par l’ajout de deux nouvelles compétences : détection/réaction et surtout anticipation/proaction. Appuyée sur une organisation capable de ré-alouer rapidement les ressources en fonction des changements de priorité tout en maximisant la création de valeur, il devient alors intéressant de suivre et surtout d’anticiper l’évolution de la demande pour être en mesure de proposer des solutions de manière proactive aux attentes du marché.
Barrand, dans son ouvrage « Le manager agile » (2012) aborde cette question de l’anticipation et nous rappelle justement qu’il ne s’agit pas de poser des plans à court/moyen termes (bien heureux qui pourra prédire comment évoluera un marché donné dans deux ans), mais plutôt de considérer des scénarios d’action possibles co-construits grâce à l’intelligence collective et l’efficacité des NTIC déployées dans toute l’organisation.
Pour autant, cette compétence de proactivité ne trouvera sa valeur que si l’organisation la complète en amont d’un travail sur sa raison d’être et son sens. En effet, comme l’écrit Benameur dans l’ouvrage collectif « L’entreprise agile. Agir pour une performance durable » (coordonné par Barrand, 2010), le sens de l’organisation et sa raison d’être sont au cœur de l’agilité et il convient pour une organisation de se poser la question de sa raison d’être au regard de la réciprocité de progrès qu’elle apporte à la société qui la fait vivre.
Un tel travail, qui doit être amorcé par la Direction et réalisé par tous les acteurs de l’organisation, est essentiel pour fonder la vision, le sens partagé de l’organisation. Sans raison d’être et sens partagé, il ne peut y avoir d’organisation agile.
Ainsi, dans le cadre d’une transformation agile, les challenges culturels ne doivent pas être sous-estimés.
De telles entreprises exigent donc un engagement très fort du management qui doit construire et partager une raison d’être et un sens collectif qui fédèrent l’ensemble des acteurs et guident naturellement les choix faits par l’organisation.
Comme un phénomène de mode, nombreux sont les managers qui optent pour l’adoption de méthodologies agiles sans en comprendre la nature ni la magnitude des changements que leur organisation devra subir pour en récolter les gains. Si ces dernières offrent un cadre idéal au développement de l’intelligence collective, la route reste longue pour développer l’agilité organisationnelle.
Source : Les Echos