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Entreprendre, c’est dépasser les échecs, pas les éviter

Dépasser les échecs

Stéphane Degonde a vécu l’échec entrepreneurial et il en a tiré un livre sur les 100 risques à maîtriser pour entreprendre : J’ose entreprendre ! Créer et diriger son entreprise : 100 risques à éviter pour réussir (Le Passeur Editeur). Business models, expérimentation, échec, il nous livre sa vision, étayée par la rencontre de 51 entrepreneurs.

Il faut d’abord tester, expérimenter pour pouvoir comprendre et s’adapter. L’ouverture d’esprit et l’agilité sont incontournables pour réussir. Combien de temps vous a t-il fallu pour trouver le bon business model ?

Vous avez personnellement vécu une aventure entrepreneuriale. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans ce que vous ont dit ces 51 entrepreneurs aux parcours singuliers ?

Stéphane Degonde : Ce qui m’a le plus frappé, c’est l’écart entre l’image de l’entrepreneur qui est véhiculée par les médias et la façon dont les entrepreneurs se perçoivent. Les médias présentent souvent les entrepreneurs à travers des chiffres : le capital, le nombre de clients, les sommes levées… comme si cette réussite était leur moteur. J’ai rencontré 51 dirigeants très différents ; ils n’ont pas le même âge, le même parcours, n’opèrent pas dans les mêmes secteurs ; certains ont eu de belles réussites, aucun ne m’a parlé de success story, de pouvoir ou d’argent.

Les médias les présentent souvent solides, audacieux, conquérants, sûrs d’eux. En fait, ils doutent plus qu’ils n’ont de certitudes. Ils sont plus humbles que l’image que l’on donne d’eux.

Vous parlez des risques et de la façon de les gérer, qu’en est-il pour le Business Model ?

Ce qui est sûr c’est qu’en termes de Business Model, les intuitions sont rarement bonnes. Tant qu’on n’a pas expérimenté plusieurs fois, on peut être à peu près sûr de ne pas avoir le bon business model. Une partie de la réussite entrepreneuriale tient dans la capacité de l’entrepreneur à se remettre en question, et à pivoter sans tarder lorsqu’il comprend qu’il a fait fausse route. Mais pour comprendre, encore faut-il tester… Et ce qui est valable pour un produit ou un service l’est tout autant pour un modèle économique.

Par ailleurs, je me suis rendu compte, à travers mes rencontres d’entrepreneurs et mon histoire personnelle, que le  choix d’un business model devait aussi prendre en compte les aspirations profondes de l’entrepreneur. On le sait, sur un marché, pour une initiative, il y a de multiples business models possibles. Si le choix d’un modèle économique doit bien sûr être le fruit d’une analyse rationnelle, il doit aussi, me semble-t-il, refléter le modèle d’entreprise à laquelle l’entrepreneur aspire vraiment : pas la vision d’un autre… mais SA vision personnelle. C’est dans un juste équilibre entre une analyse rationnelle et la bonne écoute de soi-même que se nichent les réussites qui se vivent pleinement et sereinement.

Dans mon cas, nous avions choisi un modèle de revenu à la performance : nous n’étions rémunérés que si nos clients vendaient. Ce choix était guidé par notre volonté de nous singulariser en cassant les codes. Nous pensions en faire un vrai modèle de différenciation pour nous rendre plus attractifs, nous vendions une approche frugale à nos clients. Nous faisions en fait un seul pari : celui d’investir en misant sur la promesse d’un fort retour sur investissement. Et nous nous sommes trompés de business model…

Vous avez parlé d’expérimentation comme d’une pratique déterminante, comment développer ses propres capacités d’expérimentation ?

C’est vrai que nous sommes peu incités à expérimenter et, paradoxalement, la pression est forte pour réduire la capacité d’expérimentation d’un entrepreneur. On attend d’un entrepreneur une forte conviction, un déterminisme absolu, d’autant plus que c’est souvent son seul actif au départ : sa capacité à convaincre. Comment dans ce cadre là assumer qu’on est en phase de tests, que les choses changeront peut-être ultérieurement ? Donc vis-à-vis de l’extérieur, la posture expérimentale est parfois difficile à tenir.

Mais c’est aussi difficile intérieurement car l’expérimentation renvoie inévitablement à l’échec : quand on expérimente, il y a une probabilité non négligeable de se tromper. Et s’il y a bien une chose avec laquelle on est inconfortable, c’est bien celle d’échouer. Expérimenter c’est d’une certaine façon revendiquer et assumer qu’on puisse être dans l’erreur. La logique de l’excellence et de la sanction, dont sont imprégnés nos modèles éducatifs, sont de vrais freins inconscients à l’expérimentation. On a tendance à être  dans une vision séquentielle : j’apprends, je sais, c’est acquis. Or le savoir est continuellement à remettre en cause. C’est par l’expérience que nous allons grandir et savoir davantage..

L’enjeu n’est donc pas d’éviter de se confronter à l’échec, c’est au contraire d’y aller et de composer avec. Ce qui est important c’est d’accepter l’idée que l’expérience et l’échec ne sont pas réductibles, que c’est une composante incontournable et que le métier d’entrepreneur, c’est de gérer ces échecs, pas de les éviter.

Source : Stéphane Degonde, With out Model 

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