La secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations annonce le lancement d’un Prix national de l’entrepreneuriat féminin dont l’Agence aura l’honneur d’être actrice ainsi que membre du jury.
Comment expliquez-vous que les femmes créent toujours moins d’entreprises que les hommes en France ?
Les femmes n’ont pas moins d’idées ou moins d’envie de créer, mais elles passent moins à l’acte. Les entrepreneuses engagent aussi moins de fonds et obtiennent moins de soutien financier. Pour rappel, l’étude Sista sur les levées de fonds du Top 9 des fonds d’investissement en France montre que les projets portés par les femmes sont de à peine 2,6 % contre 88,3 % pour les hommes, et 9,1 % pour les équipes mixtes. Et pourtant, il faut le rappeler, une entreprise créée par une femme a plus de chances de passer la barre des trois ans.
Marlène Schiappa
Les cheffes d’entreprise seraient-elles plus prudentes ?
C’est vrai, la culture du risque est plus difficile chez les femmes. Les travaux de la sociologue Marie Duru-Bellat sur les jeux dans les cours de récréation l’illustrent bien. Alors que les filles jouent à la marelle, dans un espace bien délimité, les garçons jouent à la chasse au trésor ou partent à la conquête de l’espace. Cela transparaît aussi dans les start-up. Depuis une dizaine d’années, moins de femmes se forment au numérique. Résultat : elles portent moins d’innovations technologiques.
Marlène Schiappa
Comment les inciter à se lancer ?
Il faut encourager l’émancipation économique des femmes et soutenir les femmes à la tête des entreprises. Cela passe par un meilleur accès au financement. Jusqu’à maintenant par exemple, elles ont été moins nombreuses que les hommes à solliciter les aides d’Etat pour traverser cette crise. J’ai discuté avec la Fédération française des banques et les grands réseaux bancaires. Ils se sont engagés à communiquer auprès de leurs agences pour exercer une vigilance particulière sur les femmes entrepreneuses.
Nous menons aussi une action de communication avec France active pour mettre en avant ces femmes qui ont bénéficié des aides et qui relancent leur business.
Enfin, avec Bruno Le Maire, nous souhaitons la création d’un fonds d’investissement dédié à l’entrepreneuriat féminin porté par bpifrance.
Marlène Schiappa
Les freins ne sont-ils pas aussi psychologiques ?
Beaucoup de femmes se rabaissent, peut-être parce que leur entourage le fait aussi. Elles minorent leur titre sur leurs cartes de visite, par exemple. Elles indiquent « responsable » et non pas « CEO ». Les femmes doivent avoir de l’ambition. Je demande à toutes les entrepreneuses de bannir de leur vocabulaire le mot « petit ». Trop de femmes parlent de leur « petit » projet, de leur « petit » besoin de trésorerie. Je leur dis : « Voyez grand ! » Dites que vous portez un « grand » projet avec une « grande » équipe et que vous voulez un « grand » prêt.
Marlène Schiappa
Pensez-vous que les femmes manquent de rôles modèles ?
Certaines femmes rechignent à être mises en avant pour la seule raison qu’elles sont femmes. Mais je les encourage à faire preuve de sororité. Sur ce point, je rejoins Christine Lagarde lorsqu’elle dit : « You can’t let your sisters down ! » Les femmes ont besoin de modèles pour savoir que c’est possible. On a encore du chemin… Peu de femmes sont à la tête de grandes entreprises et plus aucune dans le CAC 40.
Marlène Schiappa
Est-ce la raison de la création du Prix national de l’entrepreneuriat féminin ?
Il existe déjà beaucoup de prix, mais aucun porté par l’Etat. C’est important de montrer que l’Etat s’engage et porte ce message de confiance. Ce prix est créé avec les réseaux féminins qui sont d’incroyables vecteurs de cooptation et de mentorat.
Je recommande d’ailleurs à toutes les femmes cheffes d’entreprise de rejoindre un réseau . Choisissez celui qui vous convient le mieux et allez-y ! Et comme les femmes ont moins de temps à consacrer au réseautage que les hommes, parce qu’elles assument plus de tâches domestiques, ces réseaux sont terriblement efficaces.
Avec ces prix, nous récompenserons quatre entreprises de moins de trois ans, créées par des femmes, avec à la clé 25.000 euros. Le jury, qui comptera les représentantes de 15 réseaux féminins*, sélectionnera aussi des coups de coeur qui bénéficieront d’un mentorat spécifique au financement porté par BNPP.
Marlène Schiappa
Marlène Schiappa souhaite soutenir et rendre les femmes cheffes et dirigeantes d’entreprise plus visibles.