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Une loi pour l’égalité dans l’économie?

Le gouvernement invite les Français.e.s à écrire une loi sur l’égalité femmes – hommes dans l’économie.

Une prochaine loi pour l’émancipation économique des femmes  avait été annoncée après le G7  de Biarritz fin août et le projet est déjà très bien documenté. Le Conseil consultatif pour l’égalité entre les femmes et les hommes a en effet recensé près de 80 « bonnes pratiques » adoptées partout dans le monde et envisagé un catalogue de mesures très pertinentes allant du financement des entreprises des femmes à l’extension des congés paternités et parentaux.

Mais, comme si le gouvernement avait encore besoin d’être convaincu de la nécessité de légiférer, il consulte à nouveau, audite, écoute, colloque et les Français.e.s  sont invité.e.s à participer à une consultation sur la plateforme http://femmeseco.make.org.

Alors mardi 3 décembre 2019, à Bercy, des femmes et quelques hommes engagé.e.s pour l’égalité professionnelle ont fait un état des lieux et avancé des propositions devant quatre ministres :  Bruno Le Maire, ministre de l’Economie; Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations; Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de la Protection de l’enfance et Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie.

D’abord l’incontournable sondage Harris Interactive est venu dire que le sujet préoccupe les Françaises plus que les Français. Si 19% seulement des femmes jugent « satisfaisante » la situation actuelle en matière d’égalité salariale, 37% des hommes sont du même avis. Pour ce qui est de l’accès des femmes à des postes à responsabilité dans les entreprises, 48% des hommes trouvent que tout va bien contre 28% des femmes.  Cet écart de perception entre ceux qui décident et celles qui vivent les discriminations n’est pas nouveau.

Puis deux tables rondes ont permis de partager des idées et des expériences positives. D’où il ressort que l’égalité entre femmes et hommes n’advient jamais par magie. Il faut des rôles modèles, des femmes chef qui se montrent. « Mesdames, rendez-vous visibles » a ordonné Bruno Le Maire… Encore faut-il que les portes des métiers et fonctions prestigieuses et bien rémunérées s’ouvrent aux femmes. Et c’est plutôt la contrainte qui a été citée pour forcer ces portes.

Jeanne Dubarry, auteur d’un rapport pour l’institut Montaigne venue défendre la parité comme facteur de performance des entreprises a rappelé que les seuls réels progrès enregistrés étaient liés à une loi forte, la loi Copé-Zimmermann, qui a imposé des quotas dans les Conseils d’administration des entreprises. Parce que, a-t-elle dit « les résistances à la parité sont inouïes » et seule « la loi permet de lutter contre les pathologies patriarcales. »

Chez Axa, qui affiche 32 % de femmes dans ses équipes dirigeantes, Karima Silvent, directrice des ressources humaines, estime qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir mais explique les (relatives) bonnes performances de son entreprise en matière de parité par les contraintes imposées aux dirigeants. « Nous avons rendu explicites nos objectifs » et elle suit de très près le respect de ces objectifs de parité dans le « Top 300 », un objectif étendu à l’ensemble des dirigeants du groupe dans le monde. Et ces objectifs se déclinent dans les « revues de talents » qui doivent faire entrer dans le vivier de « hauts potentiels » autant de femmes que d’hommes.

Autre sujet crucial : le financement des entreprises. Certes plus de 30 % des entreprises sont créées par des femmes mais ce sont de très petites entreprises, et le plus souvent « dans l’économie informelle » observe Goretty Ferreira qui dirige l’Agence pour l’Entreprenariat Féminin. Economie informelle, cela veut dire que l’entreprise ne permet pas de se rémunérer ou de créer un emploi. Marie Eloy, fondatrice de « bouge ta boîte » ajoute que 30 % des femmes chefs d’entreprise disent en vivre correctement. Mais, ajoute-t-elle, quand une femme dit qu’elle en vit correctement, c’est qu’elle gagne 1500 euros par mois alors qu’un homme estime « vivre correctement » de son entreprise quand il gagne 3 à 4000 euros… »

Dans l’entrepreneuriat comme dans l’entreprise, les femmes ont appris à s’autocensurer parce qu’elles n’ont pas de rôle modèle certes, mais aussi parce qu’elles savent que les banquiers et investisseurs soutiennent bien moins les femmes que les hommes et parce qu’elles ne sont pas dans les réseaux qui permettent d’être soutenues. Pour les start ups, 2 % seulement des fonds levés par les jeunes pousses bénéficient à des entreprises créées par des femmes.

Des contraintes de parité dans le financement des entreprises ne seraient pas superflues.

Autre point abordé avec Adrien Taquet : les congés paternité et congés parentaux qui, s’ils étaient mieux partagés entre mère et père mettraient les femmes et les hommes à égalité dans la vie économique. Mais on connaît la réticence du président de la République Emmanuel Macron à financer de tels congés. Il a fait capoter une directive européenne en début d’année.

Enfin, un sujet n’a pas été abordé à la tribune mais dans les discussions informelles qui ont suivi : les petites et grandes agressions sexistes. Une représentante de « Elles sont food » association de femmes de l’univers de l’agro-alimentaire déplore le peu de femmes dans les cuisines des grands restaurants ou en boulangerie. «Mais quand on sait que, dès le premier stage, elles prennent des mains baladeuses, c’est décourageant. Sans parler des bizutages sexistes…»

Les constats sont là, les bon.nes expert.e.s mettent les bonnes propositions sur la table. La démarche ressemble à celle du Grenelle des violences. Que retiendra au final le gouvernement ? Rendez-vous au printemps.

Source: Les Nouvelles News

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